Vu deux films recemment qui m’ont marqué. The World de Jia Zhang ke et Gran Torino de Clint Eastwood. Enormement d’estime pour Jia Zhang ke après avoir vu Still Life. Enormement peu d’estime pour Clint Eastwood que je considère comme un cineaste passeiste n’ayant jamais rien eu à dire. Et force est de constater que je prefère largement le Eastwood que j’arrive meme a trouver très grand.
Quand à The World, c’est le plus chinois des films chinois. En ce sens et en ce sens seulement, le film est un incroyable chef d’oeuvre. Le problem de Jia Zhang ke c’est qu’il est un cineaste dangereux car il est facile de l’aimer pour de mauvaises raisons. Croire qu’il y a de l’ironie dans le cinema de Jia Zhang ke c’est se tromper fortement. Il y a là une apparente naivetée qui est un sentiment tres chinois et qui tiens plus de la pudeur que d’autre chose. C’est que la naivetée n’est jamais recherchée chez Jia Zhang ke, elle est au contraire naturelle, d’un naturel qui est, pour nous occidentaux, forcément source de fascination et admiration. Il y a égalemment chez cette femme, Tao, une grandeur, une sorte de prestance physique qui fait vite oublier son jeu d’actrice très approximatif. C’est que The World est exactement comme le peuple chinois, un univers clos sur lui-même d’une richesse superficielle et d’un communautarisme si poussé que le moindre individu original se voit doté d’une force de présence incommensurable.
Tao est la femme chinoise traditionelle des annees 2025, c’est un prototype, une experience fascinante qui ne se produit aujourd’hui que par erreur et si elle brille tant au milieu des autres personnages c’est uniquement parcequ’elle evolue au milieu d’un monde élevant la normalité en raison de vivre alors que sa force de caractere la rend evidemment desirable, enviable, presque differente, ce qui serait pour les autres personnages un signe de folie conduisant inevitablement le personnage à une fin tragique, punition finale pour s’etre eloigné d’un consensuel qui se voulait vital à tout etre humain. C’est peut etre le message le plus fort que Jia Zhang ke fait passer ici, peut etre que finalement qu’en filmant son epoque, son present et son pays comme nul autre cineaste n’a osé le faire, Jia Zhang ke n’est rien d’autre qu’en avance sur son temps.
En parlant de difference, The World m’a aussi rappelle mon poeme favori de William Blake,
And I am black, but oh my soul is white!
White as an angel is the English child,
But I am black, as if bereaved of light.
My mother taught me underneath a tree,
And, sitting down before the heat of day,
She took me on her lap and kissed me,
And, pointed to the east, began to say:
"Look on the rising sun: there God does live,
And gives His light, and gives His heat away,
And flowers and trees and beasts and men receive
Comfort in morning, joy in the noonday.
"And we are put on earth a little space,
That we may learn to bear the beams of love
And these black bodies and this sunburnt face
Is but a cloud, and like a shady grove.
"For when our souls have learn'd the heat to bear,
The cloud will vanish, we shall hear His voice,
Saying, 'Come out from the grove, my love and care
And round my golden tent like lambs rejoice',"
Thus did my mother say, and kissed me;
And thus I say to little English boy.
When I from black and he from white cloud free,
And round the tent of God like lambs we joy
I'll shade him from the heat till he can bear
To lean in joy upon our Father's knee;
And then I'll stand and stroke his silver hair,
And be like him, and he will then love me.
Ma mere me mit au monde dans le sud sauvage
Et je suis noir ; mais vous savez, mon ame est blanche.
Les petits anglais sont blancs, comme les anges,
Et moi, je suis noir, comme s’il n’y avait pas pour moi de lumiere.
Ma mère m’enseignait, sous un arbre accroupie,
Guettant la chaleur du jour,
Me prenait sur ses genoux et m’embrassait,
Et, montrant du doigt l’Orient, me disait :
« Regarde le soleil se lever… Dieu est là -bas
Et c’est de là qu’il repand la lumiere et la chaleur
Et les fleurs et les arbres, les betes et les hommes
Recoivent l’espoir du matin, et la joie du grand midi.
Et nous avons été mis sur terre, un peu de temps,
Pour apprendre à subir les rayons de l’amour
Et nos corps bronzés, et ces visages sombres
Ne sont qu’un nuage et comme l’ombre des bois.
Et lorsque nos ames auront appris à subir la chaleur,
Il n’y aura plus de nuages et nous entendrons sa voix.
Il dira « Sors de ce bois des ombres mon bien aimé,
Et autour de ma tente dorée, rejouis toi comme les agneaux ! »
Ainsi me parla ma mere avant de m’embrasser
Et aInsi je dis au petit Anglais, lorsque tout deux
Nous serons liberés, toi du nuage blanc, moi du nuage noir
Et qu’autour de la tente de dieu comme des agneaux nous serons joyeux.
Je le protegerais de la chaleur des jours
Jusqu'à ce qu’il puisse supporter le joyeux repos sur les genoux de notre père
Et moi debout pres de lui je caresserai ses cheveux d’argent,
Car je serais devenu semblable à lui et alors il voudra bien m’aimer.
Derrière l’incroyable naivetée du poeme se cache une dramatique totalement revolutionnaire, une impression que tres peu d’artistes ont su retranscrire. Je pense à Tchaikovski mais aussi (dans une certaine mesure) Jiang Wen dans son devil on the doorstep ou encore Jia Zang Ke dans The world. Peut etre que l’occident trop aigri n’est plus à meme de produire de telle œuvres. Peut etre qu’en evoluant l’ont perds de cette candeur qui tiens plus du genie veritable que de l’enfance. It’s just a joke disait le comedien en parlant de la vie dans Watchmen (je ne parlerais pas du film dont le casting tiens de la trisomie plus que d’autre chose), autre œuvre desesperée qui se rapproche à la fois de The World et du poeme de William Blake. Et franchement :
« Thus did my mother say, and kissed me;
And thus I say to little English boy.
When I from black and he from white cloud free,
And round the tent of God like lambs we joy
I'll shade him from the heat till he can bear
To lean in joy upon our Father's knee;
And then I'll stand and stroke his silver hair,
And be like him, and he will then love me. »
Be like him then he will love me. C’est exactement ca. Le sentiment qui lie et délie les etres humains entre eux. Il n’y a de place en ce monde que pour la normalité. L’originalité, si elle est tamponée MTV est encore passable mais les vrais originaux, ceux qui tentent encore en vain d’evoluer dans un monde qui se formate et reformate au fil du temps, ceux la ne trouverons jamais rien de plus satisfaisant que leur propre reflet, image floutee de ce qu’ils auraient pu offrir de grand a l’univers si celui si ne s’était pas globalize de la plus affreusement artistique des facons.